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Bovins viande : la paille est un vrai fourrage

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19 mars 2021, par Daniel Platel, Chambre d'agriculture de la Somme

Comme nous disposons de nombreuses ressources fourragères régionales, la place de la paille dans le rationnement des bovins viande est souvent négligée. Ne sous-estimons pas sa place en tant que fourrage, même si cette année elle risque de manquer.

Les efforts génétiques réalisés ces trente dernières années ont modifié la corpulence des animaux. Nous gagnons environ 3 kg de carcasse par an à l’abattage des vaches allaitantes.

En 2004 le tableau de bord envoyé chaque fin d’année donné en race charolaise 388 kg carcasse pour 438 kg aujourd’hui, et en race blonde 421 kg pour 489 kg. Mais les troupeaux à 500 kg de carcasse sont maintenant nombreux, et les vaches d’une tonne lors de leur départ à l’abattoir ne sont plus des exceptions. Tout est donc proportionnel et le volume de la panse de ces animaux oscille entre 100 et 300 litres selon la littérature sur le sujet, le stade physiologique et le type d’alimentation.

Une panse à combler !

Boire de la bière fait gonfler dit-on…à condition d’en abuser… Pour le bovin c’est pareil ! Le volume stomacal s’adapte au type de rationnement. Tous les cavaliers le savent : un cheval mis au pâturage attrape de la panse.

Alors, quand j’entends dire que la blonde est faite pour des rations à faible volume (ration sèche), je ne suis pas d’accord. C’est un argument commercial et des taurillons blonds nourris au maïs et à la pulpe n’ont pas besoin de plus de concentrés que leurs homologues charolais. Ils s’adaptent en faisant plus de panse mais au détriment du rendement carcasse.

1,3 kg de paille remplace 1 kg de maïs ensilage (UF)

Tout cela pour dire que cette panse qui est de plus en plus volumineuse, il faut la remplir. Le foin est pour cela un bon moyen. Mais il est de plus en plus rare chez nous. La pulpe surpressée et le maïs ensilage sont riches et il faut donc les rationner pour éviter de suralimenter des vaches allaitantes qui ont de faibles besoins pour produire leurs dix à quinze litres de lait.

C’est là que la paille rentre en scène pour remplir l’estomac et permettre un état de satiété. De quoi faire une bonne sieste après le repas, au lieu d’aller embêter les copines. Maintenant que l’on a bien rempli le rumen, on arrive à l’histoire du vase communiquant. Plus la vache mange de la paille, plus on fait d’économie sur la distribution des autres fourrages plus coûteux. L’équivalent de 10 UF (unités fourragère) peut être apporté par 21 kg de maïs à 35 % de matière sèche ou par 27 kg de paille à 85 % de MS.

Je vous entends déjà dire : « si on peut nourrir nos vaches avec uniquement de la paille, à quoi on s’embête alors ? » Vous avez raison, le vase communiquant a ses limites, car la paille est pauvre en protéines et encombrante. Son coefficient d’encombrement est de 1.8 alors que le maïs ensilage et la pulpe 1.1 et la betterave fourragère 0.7.

Mais des vaches de gros gabarit, en ration pulpe maïs, consomment jusqu’à 7kg de paille par jour. Des génisses d’un an, à mon grand étonnement, jusqu’à 5 kg, lorsqu’elles y sont bien habituées. Combien de fois j’entends dire, elles ne mangent rien… Pas étonnant la paille couvre déjà 50 % des besoins énergétiques.

Le problème de la distribution

Il est facile de croire que l’on a résolu le problème de la distribution de la paille avec la mise en place des râteliers suspendus. Que nenni, nous avons oublié de sélectionner sur la longueur du cou… Les vaches dominantes sont les premières à se servir. Et plus on va vers le centre de la boule, plus c’est compliqué.

Tout cela ne favorise pas la consommation avec en plus une hauteur variable du fumier. Alors on « crache » avec la pailleuse dans le râtelier pour offrir de la paille en vrac, mais quel temps passé et une bonne partie finie dans le fumier.

Le râtelier au sol est une solution. Mais la paille finie par prend vite l’odeur du fumier et en diminue la consommation. Reste la mélangeuse à 45 000 €, le fuel qui va avec pour déchiqueter et mélanger. Mais vu le volume occasionné par la paille importante à mélanger, on met moins de paille qu’il ne faudrait.

Ah ! Qu’il est facile de critiquer, mais comme me disait un éleveur, on accepte bien de distribuer le foin à l’auge, alors pourquoi pas la paille ? C’est bien vrai mais ce n’est pas moi qui enlève chaque jour les refus. Mais cela reste le meilleur moyen d’une consommation abondante.

La faute aux techniciens ? La conception des nouveaux bâtiments ne prend pas souvent en compte ce problème de la paille alimentaire. Il est pourtant à solutionner dans chaque élevage. Sur un projet neuf, cela occasionne parfois un peu de dépenses supplémentaires et l’économique reprend le dessus, à tort.

Le bovin est un ruminant

La qualité du lait et la santé du troupeau est en lien direct avec la qualité de l’alimentation. Des ruminants limités en fibres auront un lait plus gras car on compense souvent en fourrage trop riche et les veaux en souffriront.

Le troupeau sera aussi plus agité et sa santé plus défaillante. Beaucoup d’éleveurs se disent opposés au maïs ensilage pour des allaitantes et ils ont raison s’il n’est pas rationné.

Pour des vaches en bon état avec des veaux, 2 heures après la distribution, l’auge doit être vide et pour des génisses 30 minutes, par contre la présence à volonté de la paille fera le reste.

Pour les taurillons la consommation d’un kilo de paille par jour est capitale pour préserver la rumination. Celle-ci permet la salivation, et avec, la production de substance tampon. Mais cette salivation permet aussi de recycler le phosphore pour le rendre plus assimilable.

Oh ! Que c’est simple à dire, mais si difficile à respecter en réalité. Parce qu’il faut y passer du temps ou parce que le bâtiment n’est pas conçu pour. Et la mélangeuse ne remplace pas le plaisir du taurillon à trier dans la botte de paille…