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Agronomie-innovation

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Produire plus et mieux avec des sols vivants

Les agriculteurs constatent eux même, que les méthodes déployées dans les systèmes de culture dits "conventionnels" et qui ont longtemps fait leurs preuves, répondent de moins en moins efficacement aux objectifs de la société qui ont évolué, et aux objectifs de haut niveau de production de produits de qualité source de compétitivité sur le marché.

Les rendements plafonnent alors que les charges augmentent. Comme leurs prédécesseurs l'ont toujours fait, les agriculteurs recherchent donc des pistes de progrès, dont une se dégage de plus en plus souvent : une meilleure prise en compte de la qualité biologique des sols.


Onze agriculteurs décident d’étudier leur sol

Onze agriculteurs ont souhaité réfléchir à l'impact de leurs pratiques potentiellement positif, neutre ou négatif sur l'état biologique de leurs sols et en  conséquence sur la performance économiques de leurs exploitations et l'environnement, notamment la qualité de l'eau profonde et superficielle.

Les acteurs du CasDar AgrInnov ont été sollicités afin de reproduire la méthode de diagnostic mise au point par un groupe mixte de chercheurs, conseillers et agriculteurs. Compte tenu des méthodes très innovantes misent en œuvre et de leur coût, une aide de 53% sur les frais d'analyses a été accordée par l'AESN. Les agriculteurs, et la Chambre d'Agriculture ont financé le reste (ainsi que Vivéa pour la partie formation).

Les extraits de résultats qui suivent, présentent pour illustration quelques éléments exposés par Nicolas Chemidlin (AgroSup dijon), Daniel Cluzeau (Université de Rennes) et Hélène Cérémonie (Elisol Environnement) devant les agriculteurs expérimentateurs lors de la journée de restitution. Le référentiel cité est le Réseau de Mesure de la Qualité des Sols (700 points en France) sauf pour les nématodes.

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Des situations plutôt favorables

La majorité des parcelles étaient dans le Soissonnais (plateau d'Attichy) en limon argileux avec un pH un peu inférieur à 8. Les traits des systèmes de culture sont : système labour un an sur deux, avec des rotations type pommes de terre irriguées/ blé / betteraves / blé (/ colza / blé) et un peu de légumineuses. Quasiment toutes les parcelles sont couvertes en interculture (CIPAN ou engrais vert biomax), avec apports organiques extérieurs très divers mais réguliers. Les stratégies de protection des cultures relèvent de l'agriculture raisonnée, ou de la protection intégrée. Pour illustration, l'IFT blé est réduit d'environ 25% en moyenne par rapport aux références régionales.

Le contexte pédoclimatique est donc favorable à l'activité biologique des sols (limons argileux sains pas trop alcalins). Certains traits du système de culture sont plutôt réputé à risque (cultures industrielles exigeantes en phyto, récoltes avec des engins lourds, travail du sol assez intense...), d'autres plutôt favorables (limitation des phyto hors pomme de terre, biomax, rotation diversifiée, apports organiques...).

Graphique 1 : classes de tassement

Le classement des sols est réalisé grâce à un test bèche normalisé avec une grille d'analyse, basée entre autre sur l'observation de la nature et du comportement des mottes, et auquel les agriculteurs ont été formés.

Les sols étudiés présentent une très bonne structure en général. Aucune parcelle n'est tassée sur l'horizon 0-25 cm étudié. Ceci permet un bon enracinement, une bonne circulation de l'eau et des gaz, conditions favorables à l'activité biologique. Les parcelles se rapprochant de la classe 3 sont néanmoins à surveiller, voire à restructurer si la situation est chronique et en voie d'aggravation, suivi de mesures préventives limitant les risque de tassement.

Dans ces parcelles le problème vient plutôt de la zone 25-35 cm compactée par les passages d'engins lourds.

Ce test est réalisable facilement par tout agriculteur ayant été formé à la méthode.

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Indicateurs microbiologiques : révolutionnaire

La capacité de dégradation des résidus de culture est évaluée avec la mise en terre d'un échantillon de paille standard relevé 4 mois plus tard. Dans les parcelles étudiées elle est plutôt forte laissant augurer d'une bonne activité biologique des sols. L'évolution rapide des pailles est un facteur favorable à la réduction de l'inoculum de maladies. Dans la réalité la décomposition peut être plus lente que lors du test si la paille restituée après récolte a reçu par exemple une application tardive de fongicide.

Les biomasses microbiennes ont également été mesurées et sont légèrement supérieures au référentiel.

Graphique 2 : biomasse microbienne en % de la référence

Malgré l'effet graphique, le groupe de parcelles est techniquement assez homogène. La plupart des parcelles se situent au-delà de la référence, et même la situation P550 la moins favorable, présente une valeur satisfaisante sur ce critère quantitatif. La parcelle P552 présente une valeur de près du triple de la valeur de référence, ce qui correspond à ce que l'on peut observer au niveau de la drilosphère (revêtement des parois des galeries de vers) dans un sol moyen. Compte tenu de la plage de diversité des sols observés, on peut conclure que les pratiques des agriculteurs sont favorables sur ce critère, facile et rapide à améliorer avec les pratiques adéquates.

Mais le progrès révolutionnaire apporté par le savoir-faire et l'équipement de la station INRA de Dijon en matière de méta-génomique, est de pouvoir identifier et quantifier les principales espèces de micro-organismes présentes, dont on connait à peu près les fonctions selon les gènes identifiés, mais qui peuvent s'activer ou pas selon les conditions du milieu pour encore complexifier les choses. Très peu de laboratoires agronomiques dans le monde ont atteint un tel niveau d'expertise scientifique. 

Il est ainsi possible par exemple de mesurer l'équilibre champignons/bactéries qui doit être de l'ordre de 1 à 5% et donne une idée sur les voies de dégradation de la matière organique.

Graphique 3 : équilibre champignons / bactéries en %

La majorité des parcelles sont dans la gamme de référence mais avec une tendance vers un déséquilibre en faveur des bactéries hormis la situation P550 plutôt en faveur des champignons. Ces résultats sont révélateurs de systèmes avec travail du sol intense et apport de matière organique facilement fermentescibles : résidus de culture verts, engrais verts peu évolués, amendement à faible C/N

En terme de diversité fongique, beaucoup de nos parcelles se situent en dessous de la référence, nous avons donc peu de champignons et peu diversifiés. A l'inverse, la richesse bactérienne est très supérieure au référentiel avec une médiane quasiment égale au 9eme percentile du référentiel.

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Nématodes libres (non phyto-parasite) : indicateur original et pertinent

Il s'agit d'identifier et de dénombrer les nématodes libres non parasites des plantes. Les espèces parasites des cultures sont comptées à titre informatif. Le nombre moyen de nématodes est similaire à la référence, mais on observe de fortes hétérogénéités. La majorité des parcelles présentent des valeurs inférieures à la référence mais dans quelques autres l'abondance est très importante. Cet indicateur est à corréler avec les biomasses microbiennes notamment et semble même discriminant d'ailleurs.

Par contre la diversité d'espèces est moindre que dans le référentiel ce qui peut indiquer une moindre résilience du sol. En fonction des espèces présentes il est possible d'évaluer l'intensité des flux de nutriments dans le sol et la stabilité du milieu, l'assurance écologique. Pour prendre une image, on évalue si la vie du sol qui respire et brûle des chaines carbonées, est un feu de paille ou un feu de bois.

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En conclusion : «ça va pas mal mais…»

Bien que les prélèvements aient tous été réalisés sur culture de blé pour gommer l'effet culture, il faut rappeler que les résultats d'une parcelle dépendent fortement du contexte pédo-climatique (surtout pédologique à l'échelle du département), et que c'est ensuite dans ce contexte que l'on peut tenter de rechercher les impacts du système de culture.

Dans le cas présent, la majorité des parcelles présentent la " maladie classique " dans ce type de système, avec un tassement important sous l'horizon labouré, sans forcément avoir de semelle de labour. Dans ce contexte il ne semble d'ailleurs pas forcément judicieux de remonter la charrue au risque de voir la zone tassée progresser vers le haut du profil. Par contre un passage de dents type Michel juste sous la zone tassée permettrait de fissurer la zone compacte pour faciliter sa recolonisation par la vie du sol et les racines des cultures qui stabiliseront ensuite ces voies d'exploration privilégiées. Le sol une fois " opéré " de la sorte, subira une période de rééducation au cours de laquelle il faudra réfléchir à l'organisation des chantiers de récolte lourds (betteraves et pommes de terre), à la gestion des intercultures etc ... En tout cas le but est de ne pas chambouler les premiers 25 cm. Cet horizon présente une structure favorable en moyenne, et une activité biologique bonne en intensité et assez bonne en qualité malgré quelques points vigilance. Ceci s'explique par la prise de conscience des participants, et des pratiques qu'ils ont déjà mis en œuvre, dont certaines donnent des résultats rapidement. Cette expérience montre ainsi que nos sols ne sont pas morts, et s'ils sont souvent malades, avec un peu de connaissance il est assez facile m'améliorer rapidement les choses au moins en partie.

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Bilan MAE phytosanitaire

Le bilan MAE sur la réduction de l'usage des produits phytosanitaires 2016 est arrivé !

N'hésitez pas à le découvrir !

Contact

Rédacteur Chambre d'agriculture de l'Oise
François Dumoulin

Conseiller référence méthodes
tél. 03 44 21 11 75

Pour aller plus loin

Les 11 agriculteurs ont pu bénéficier d'une prise en charge partielle du coût de ces analyses innovantes, mais qui restent encore onéreuse à ce jour, car pas encore passées au stade de la routine. Néanmoins si vous souhaitez vous initier à la vie des sols et à quelques outils de diagnostic gratuits que vous pouvez mettre vous-même en œuvre, une formation " produire plus et mieux avec des sols vivants " est proposée par la Chambre d'agriculture sur une journée (salle et terrain). Avec le financement du Vivéa et le crédit d'impôt tout cela ne vous coûte que le temps de participer.

La dernière édition a eu lieu le 9 novembre mais vu la demande, une nouvelle date est prévue le 1er mars. En une journée vous aurez une petite idée de l'intense activité qui règne dans vos sols, vous comprendrez l'intérêt pour vous de la favoriser, vous aurez aussi quelques leviers pour l'améliorer et quelques méthodes pour observer les résultats de vos efforts.